Historique

Le développement d’Esparron suit un schéma classique repéré pour de nombreux villages provençaux.

* La présence humaine est attestée dès l’époque préhistorique dans la vallée de Vances (allant de Rians à Saint-Martin )

* Divers camps celto-ligures couronnaient les collines avoisinantes : au Montmajour, à Artigues ainsi que sur la commune de Saint-Martin.

* Vient la colonisation romaine. La vallée de Vances se trouve à proximité de la voie reliant Aix en Provence à Riez. Une villa s’installe alors aux abords du site actuel de la chapelle du Revest. La chapelle renferme deux inscriptions des premiers siècles après J.C.

* Sur le site de la villa est créé un monastère. Ce monastère est dévasté par les païens disent les textes du XIème siècle. Il s’agit sans doute des invasions sarrasines. Autour de l’an mil, il est reconstruit, au moment de la libération de la Provence du joug maure.

* On assiste à cette époque à un profond mouvement de création de points forts, de refuges sur les hauteurs. La première mention du  » castrum de Sparrone  » date de 1025. Esparron est alors partagé en deux seigneuries :
– un fief ecclésiastique autour du monastère Notre Dame, appartenant à Saint Victor de Marseille.
– une seigneurie laïque appartenant à Geoffroy de Rians et à son frère Hugues des Baux.

* Au cours du XIème siècle, le monastère reçoit un certain nombre de donations qui sont parfois des redditions. On a en effet, bien du mal à libérer l’Eglise de la tutelle des laïcs. En 1177, pour conforter leur seigneurie qui représente environ le tiers des terres arables, les moines font venir les habitants du Revest, une villa située entre Esparron et Rians. Une seconde communauté d’habitants est de ce fait fondée à Esparron aux côtés du castrum. Les textes la mentionnent sous le nom de
 » Bastida Sparroni « . C’est l’époque d’émergence des bastides, habitats groupés intercalaires. De la même époque date la création de la Bastide du Prévôt sur le territoire de Barjols et celle de la Bastide de Pontevès sur celui de Pontevès.

* Au début du XIVème siècle, la population d’Esparron peut être estimée d’après des documents fiscaux à 240 habitants. Celle du Revest à environ 50 habitants.

* Cette région est très fortement atteinte par la Grande Peste de 1348. Le Val de Rians perd entre 50 et 30% de sa population. Les chiffres avoisinent 40% pour les petites unités humaines. Le Revest disparaît peu après. Dans le premier quart du XVème siècle, l’église est en ruine et désaffectée ; le lieu est depuis inhabité. Esparron a ressenti également durement le choc. En 1471, on ne comptait plus que 70 habitants.

* Mais la reprise démographique ne tarde pas à se faire jour. Et elle est fulgurante puisqu’on compte près de 400 habitants en 1518.
Les transactions répétées entre seigneurs et communauté en attestent. Il faut régler les conflits d’utilisation de l’espace. Car, avec la dépopulation, les seigneurs ont développé considérablement l’élevage ovin, profitant des terres abandonnées. Esparron et les villages alentour sont des lieux d’hivernage d’importants troupeaux. On dénombre plus de 7000 têtes regroupées à Esparron en 1425. Avec le retour des hommes, les besoins en terre augmentent. L’Eglise paroissiale est trop petite, en mauvais état. On pense en 1546 à l’agrandir.

* Revenons aux seigneurs.
Au début du XIème siècle, nous connaissons Geoffroy de Rians et Hugues des Baux. Puis le fief passe à la famille des Vicomtes d’Esparron, alliée à celle des Vicomtes de Marseille. Au XIVème siècle, elle est possédée par moitié par les Vicomtes et par les Esparron. La moitié des Esparron passe aux Esclapon en 1367 puis aux Arcussia en 1466. L’autre moitié est, après transmission par mariage et par vente, rachetée par Charles d’Arcussia à ses différents propriétaires dans les années 1610. Les Arcussia rachètent la seigneurie ecclésiastique au Chapitre de Grignan en 1673.

* La famille d’Arcussia conserve Esparron de 1466 à 1758. Originaire du royaume de Naples, ses membres remplirent de hautes fonctions. Un des leurs commande la flotte de Frédéric Barberousse. François et son fils Jacques sont successivement secrétaires de la reine Jeanne qui pour les remercier donne à Jacques la terre de Tourves. Son fils Jean épouse en 1377 une nièce de Saint Elzéar.

* Vers 1547 naît Charles d’Arcussia. Il fut 1er Consul d’Aix et procureur-né du Pays de Provence en 1596 et 1619. Député de la ville d’Aix aux Etats de Provence en 1597. Grand amateur de chasse au faucon, il laissa trois principaux ouvrages sur la fauconnerie :
– Le premier, dédié à Henri IV en 1598 et dont les éditions suivantes seront dédiées à Louis XIII qui nomma Charles d’Arcussia, Gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi. C’est la partie technique.
– Le deuxième, dédié à Monseigneur du Vair, Garde des Sceaux, contient la Conférence des Fauconniers ou récits de chasse.
– Le troisième, écrit à la fin des ses jours sous forme de lettres pleines de considérations morales et de sentiments chrétiens.
Voici un extrait de la plus connue de ses lettres :  » J’ai autrefois appris d’un bon vieillard et capable chasseur que les hommes de notre âge ( les septuagénaires ) doivent avoir sur eux trois choses :
– La première , un petit horloge sonnant ;
– La seconde, un miroir ;
– Et la tierce, un chapelet. La première pour compter les heures et les bien employer ; l’autre, pour voir le changement et le déclin qui se trouve en nous ; la tierce, pour élever notre esprit et nous souvenir de notre fin, puisqu’en cette vis nous ne faisons que passer « .

Si Charles d ‘ Arcussia était particulièrement compétent pour la chasse au Faucon, il y avait un autre art où il excellait. En effet de son mariage avec Marguerite de Forbin naquirent quinze garçons et sept filles. On ne peut pas conclure sur Charles d’Arcussia sans citer son rôle dans la journée d’Esparron en 1591. Nous sommes en pleine Guerre de Religion. Sans entrer dans le détail des opérations, il faut souligner qu’il aida fortement les troupes royales à prendre Esparron tombé aux mains des Ligueurs qui ne voulaient pas reconnaître pour Roi Henri IV non encore converti. · Les générations de d’Arcussia se succèdent jusqu’au dernier du nom : Charles Joseph qui vend en 1758 la terre d’Esparron à Jospeh François de Lordonné pour la somme de 300000 livres ( à savoir qu’une journée de manoeuvre coûtait 1 livre). 68000 livres sont payées comptant. 102000 livres sont données sous forme de trois capitaux à rente de 5% sur les Etats de Provence. Les 130000 restantes ne seront versées qu’après le décès du vendeur et de sa femme. Seuls les intérêts seront perçus entre temps.

* Avec les Lordonné, c’est une famille de juristes qui entre à Esparron. Une famille apparentée à des membres de la Cour des Comptes puis à des membres du Parlement d’Aix. Par son mariage avec Angélique de Vacon, la soeur de l’évêque d’Apt, Joseph François de Lordonné devient en effet gendre, neveu, cousin et beau-frère de Conseillers aux Comptes. A la génération suivante, Louis François est Conseiller à la Cour des Comptes en 1750. Et Catherine, sa soeur, épouse Pierre Symphorien Pazéry de Thorame, Conseiller au Parlement, seigneur de Pourcieux qui reconstruisit le château de Pourcieux. Jospeh Hilarion de Lordoné, petit-fils de l’acquéreur d’Esparron, quant à lui, entre au Parlement en 1781. C’est donc une famille de noblesse de robe qui vit à Esparron à la fin du XVIIIème siècle.

* Les 1200 hectares que représentaient la seigneurie, le château, les diverses bastides ont donc coûté aux Lordoné 300000 livres. Il est difficile de préciser d’où provient une pareille somme. Il semble que les Lordoné aient recueillis une partie de la succession des Cymon. Egalement une partie de celle des Vacon. Deux familles sont la branche apparentée aux Lordoné tombe en quenouille vers 1750-1760. Les Vacon étaient propriétaires d’un clos à Marseille qui deviendra la rue Vacon. Peut-être les Lordoné ont-ils réalisé une partie de ces biens. En tous cas, si la situation financière des Lordoné paraît confortable au moment de l’achat d’Esparron, elle va s’améliorer encore par le mariage de Louis François Antoine avec Thérèse Madeleine Allègre. Fille d’un négociant Marseillais, elle lui apporte une dot de 151 000 livres, somme très importante si on la compare aux dots données dans de nombreuses autres familles de la noblesse provençale.

* Les Lordoné n’ont pas seulement acquis Esparron. Ils y ont fait d’importants aménagements. Ce sont eux qui ont construit l’aile principale, ou tout du moins, l’ont complètement réaménagée au goût du jour en partant de l’infrastructure du vieux château. Ce vieux château aux allures de forteresse, mal connu, qui aux époques de troubles accroît sa capacité de défense, tel vers 1374, moment où la communauté des habitants propose de contribuer pour les 2/3 à la construction de deux tours, en échange du refuge en cas de guerre. Ce vieux château apparaît dans une transaction de 1508 en deux parties quasi ruinées, séparées par un espace libre où l’on doit construire une prison en forme de tour. Ce vieux château , certainement réaménagé par les Arcussia au fil des temps, compte une aile ouest datant du XVIème siècle. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, il fut aménagé par les Lordoné. Si l’extérieur est très sobre, tous les efforts sont portés sur l’intérieur. Au rez-de-chaussée, les pièces de réception ; à l’étage, desservie par une galerie ornée des portraits des ancêtres, une série d’appartements avec leur chambre, leur cabinet, le bouge, la chambre ou domestique, le tout orné de gypseries. Ces aménagements dénotent une nouvelle conception de l’habitat à la recherche d’une plus grande intimité, d’une plus grande autonomie, sans rompre pourtant avec la coexistence nécessaire des générations. Cette coexistence est prévue dans les contrats de mariage. Le père de Louis François Antoine de Lordoné promet de loger et nourrir dans sa maison les futurs époux en payant annuellement à la demoiselle Allègre, 1200 livres pour ses habits et menus plaisirs, et 2000 livres à son fils. Le cas d’insupport est également prévu. Alors, la pension sera portée à 8000 livres. On vivra de façon très autonome, mais toujours sous le même toit. L’agencement de l’espace intérieur aces ses multiples appartements témoigne de la complexité de la structure de la famille qui reconstruit et habite le château d’Esparron.

* Vient la Révolution.
Joseph François, l’acquéreur, est mort en 1780. Un an après meurt sont fils Louis François Antoine. Joseph Hilarion Mathieu, son petit-fils meurt en 1790 à 33 ans. Ce sont donc les femmes qui vont vivre la révolution à Esparron, et en particulier Thérèse Madeleine Allègre. Sa belle fille étant mineure, c’est donc elle qui devient tutrice de sa petite fille Cécile, née en 1789. Elle voit l’avoir de sa petite fille diminué . Malgré une gestion ferme, elle a été obligée de dépenser près de 300000 livres pour payer des intérêts ou rentes dus par son fils ou à sa belle fille, pour les réparations aux diverses propriétés et pour les contributions patriotiques qui furent lourdes pendant la Révolution. Thérèse Madeleine Allègre fut inquiétée à l’automne 1792 et en Avril 1793. En effet, elle dut pour assurer sa tranquillité, payer tout ce qu’on lui demandait. Le portail du château fut démoli ainsi que les armoiries. Ses neveux par alliance, enfants de Catherine de Lordoné et de Pierre Symphorien Pazéry de Thorame, tous deux prêtres ayant refusé de prêter serment à la Constitution civile du Clergé, furent immolés à Paris aux Carmes, le 2 septembre 1792.

* En 1810, Cécile de Lordoné épousa Antoine Marie Louis de Sinéty, chef de bataillon des volontaires royaux, issu d’une famille originaire d’Apt, dont les membres servirent dans l’armée au XVIIIème siècle. Il introduisit dans la région la culture du sainfoin, le mûrier et l’élevage de vers à soie. Ils eurent six enfants dont un prêtre et une religieuse.

* Leurs fils Alphonse Marie, comte de Sinéty, épousa en 1836, Marie Sophie d’Espagnet, et fut conseiller général du Var et maire d’Esparron. A sa mort, la propriété fut partagée entre ses quatre filles.

* Le cadet, Georges, la reconstitua en partie grâce à un leg de son oncle Augustin d’Espagnet. Ingénieur Civil des Mines, il fit d’Esparron sa résidence habituelle et se consacra à la mise en valeur du domaine. Il fallait après, le phylloxera, reconstituer le vignoble. Il mena des expériences de greffage sur plans américains. Il expérimentera divers cépages avec le souci de faire profiter de ses découvertes, les habitants d’Esparron. Il avait épousé Elisabeth de Lyle Taulane.

* Sa nièce par alliance, Germaine de Jerphanion, reprit Esparron en 1918.